Revenus des associés et gérants : que dit la législation ?

La rémunération des dirigeants d'entreprise et des associés est un sujet complexe, au carrefour du droit des sociétés, du droit fiscal et du droit social. La législation française encadre précisément les modalités de rémunération et le traitement fiscal des revenus perçus par les dirigeants et associés, avec des règles spécifiques selon la forme juridique de l'entreprise et le statut du bénéficiaire. Comprendre ces dispositions légales est essentiel pour optimiser sa situation fiscale et sociale en tant que dirigeant ou associé, tout en respectant la réglementation en vigueur.

Cadre juridique des rémunérations des dirigeants d'entreprise

Le cadre juridique régissant la rémunération des dirigeants d'entreprise en France repose sur plusieurs piliers législatifs. Le Code de commerce définit les règles de base concernant la fixation et l'approbation des rémunérations, tandis que le Code général des impôts précise leur traitement fiscal. La loi de financement de la sécurité sociale vient compléter ce dispositif en fixant les règles d'assujettissement aux cotisations sociales.

Pour les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par actions simplifiées (SAS), la loi prévoit que la rémunération des dirigeants doit être fixée par le conseil d'administration ou de surveillance. Dans les SARL, c'est l'assemblée générale des associés qui détermine la rémunération du gérant. Ces décisions doivent être prises dans l'intérêt social de l'entreprise et respecter le principe de l' affectio societatis .

La jurisprudence a par ailleurs dégagé le principe selon lequel la rémunération des dirigeants doit être proportionnée aux services rendus à la société. Une rémunération excessive pourrait être requalifiée en distribution de bénéfices déguisée, avec des conséquences fiscales importantes.

La rémunération du dirigeant doit correspondre à un travail effectif et ne pas être disproportionnée par rapport aux capacités financières de l'entreprise.

Il est important de noter que la loi impose des obligations de transparence, notamment pour les sociétés cotées. Ces dernières doivent publier dans leur rapport annuel le détail des rémunérations versées aux mandataires sociaux, y compris les avantages en nature et les éléments de rémunération variable.

Statut fiscal des revenus des associés

Le statut fiscal des revenus perçus par les associés varie selon la nature de ces revenus et la forme juridique de la société. On distingue principalement trois types de revenus : les dividendes, les plus-values de cession de parts sociales, et les rémunérations liées à l'exercice d'un mandat social ou d'une activité salariée au sein de l'entreprise.

Régime d'imposition des dividendes

Les dividendes sont soumis à un régime fiscal spécifique. Depuis 2018, ils sont imposés selon le prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30%, comprenant 12,8% d'impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Toutefois, les contribuables peuvent opter pour l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, ce qui peut s'avérer avantageux dans certains cas, notamment grâce à l'abattement de 40% applicable aux dividendes.

Pour les associés de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (IS), les dividendes sont considérés comme des revenus de capitaux mobiliers. En revanche, pour les associés de sociétés relevant de l'impôt sur le revenu (IR), les bénéfices sont imposés directement entre les mains des associés, qu'ils soient distribués ou non.

Traitement fiscal des plus-values de cession de parts sociales

Les plus-values réalisées lors de la cession de parts sociales sont également soumises au PFU de 30%. Là encore, l'option pour le barème progressif de l'IR reste possible. Dans ce cas, des abattements pour durée de détention peuvent s'appliquer, allant jusqu'à 65% pour les titres détenus depuis plus de 8 ans.

Pour les dirigeants partant à la retraite, un abattement fixe de 500 000 € peut s'appliquer sous certaines conditions, cumulable avec l'abattement pour durée de détention. Ce dispositif vise à favoriser la transmission d'entreprise.

Prélèvements sociaux applicables aux revenus du capital

Outre l'imposition à l'IR ou au PFU, les revenus du capital sont soumis aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2%. Ces prélèvements se décomposent comme suit :

  • CSG (Contribution Sociale Généralisée) : 9,2%
  • CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale) : 0,5%
  • Prélèvement de solidarité : 7,5%

Il est important de noter que la CSG est partiellement déductible du revenu imposable l'année suivante, à hauteur de 6,8%, en cas d'option pour l'imposition au barème progressif de l'IR.

Rémunération des gérants majoritaires de SARL

Les gérants majoritaires de SARL bénéficient d'un statut fiscal et social particulier. Leur rémunération est considérée comme un revenu professionnel et non comme un salaire, ce qui implique des règles spécifiques en termes de cotisations sociales et de déductibilité fiscale.

Plafonnement des indemnités de gérance

Contrairement à une idée reçue, il n'existe pas de plafonnement légal des indemnités de gérance. Cependant, une rémunération excessive peut être remise en cause par l'administration fiscale ou les organismes sociaux. Le caractère raisonnable de la rémunération s'apprécie au regard de plusieurs critères :

  • La taille et le secteur d'activité de l'entreprise
  • Les responsabilités exercées par le gérant
  • Le temps consacré à la gestion de l'entreprise
  • Les résultats de la société

Une rémunération jugée excessive pourrait être requalifiée en distribution de bénéfices déguisée, avec des conséquences fiscales et sociales importantes.

Cotisations sociales du régime TNS

Les gérants majoritaires de SARL relèvent du régime social des travailleurs non-salariés (TNS). Leurs cotisations sociales sont calculées sur la base de leur rémunération, mais également sur une partie des dividendes perçus lorsque ceux-ci dépassent 10% du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant d'associé.

Les taux de cotisations du régime TNS sont généralement plus faibles que ceux du régime général des salariés, mais la protection sociale offerte est également moins étendue, notamment en termes d'assurance chômage.

Le choix entre rémunération et dividendes pour un gérant majoritaire de SARL doit prendre en compte non seulement l'aspect fiscal, mais également l'impact sur les cotisations sociales et les droits qui en découlent.

Déductibilité fiscale des rémunérations de gérance

Pour être fiscalement déductible du résultat de la société, la rémunération du gérant majoritaire doit répondre à trois critères cumulatifs :

  1. Correspondre à un travail effectif
  2. Ne pas être excessive eu égard à l'importance du service rendu
  3. Être régulièrement déclarée aux organismes sociaux

Si ces conditions sont remplies, la rémunération du gérant majoritaire est intégralement déductible du résultat fiscal de la SARL, ce qui peut constituer un levier d'optimisation fiscale important pour l'entreprise.

Particularités des dirigeants de SAS et SA

Les dirigeants de sociétés par actions simplifiées (SAS) et de sociétés anonymes (SA) sont soumis à des règles spécifiques en matière de rémunération et de protection sociale. Ces règles diffèrent sensiblement de celles applicables aux gérants de SARL, notamment en ce qui concerne leur statut social.

Régime social des présidents et directeurs généraux

Les présidents et directeurs généraux de SAS et SA sont assimilés salariés au regard de la sécurité sociale. Cela signifie qu'ils cotisent au régime général de la sécurité sociale, bénéficiant ainsi d'une protection sociale plus étendue que les gérants majoritaires de SARL. Leurs cotisations sont calculées sur la base de leur rémunération, plafonnée à hauteur du Pass (Plafond Annuel de la Sécurité Sociale) pour certaines d'entre elles.

Cependant, il est important de noter que malgré ce statut d'assimilé salarié, les dirigeants de SAS et SA ne bénéficient pas de l'assurance chômage, sauf s'ils cumulent leur mandat social avec un contrat de travail distinct pour des fonctions techniques.

Avantages en nature et rémunérations différées

Les dirigeants de SAS et SA peuvent bénéficier d'avantages en nature (voiture de fonction, logement, etc.) qui sont considérés comme un élément de rémunération et donc soumis à cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu. La valorisation de ces avantages doit être réalisée selon les barèmes fixés par l'URSSAF.

Par ailleurs, ces dirigeants peuvent se voir attribuer des éléments de rémunération différée, tels que des stock-options ou des actions gratuites. Ces dispositifs sont soumis à des règles fiscales et sociales spécifiques, visant à encourager l'actionnariat salarié tout en encadrant les pratiques pour éviter les abus.

Encadrement des parachutes dorés par la loi TEPA

La loi TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d'Achat) de 2007 a introduit un encadrement strict des indemnités de départ des dirigeants, communément appelées "parachutes dorés". Pour bénéficier d'un régime fiscal et social favorable, ces indemnités doivent respecter plusieurs conditions :

  • Être versées en cas de départ contraint et lié à un changement de contrôle ou de stratégie
  • Ne pas excéder un montant correspondant à deux années de rémunération
  • Être soumises à des conditions de performance du bénéficiaire

Au-delà de ces limites, les indemnités sont soumises aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.

Obligations déclaratives et contrôle URSSAF

Les entreprises et leurs dirigeants sont soumis à diverses obligations déclaratives concernant les rémunérations versées. Ces déclarations font l'objet de contrôles réguliers par l'URSSAF, qui veille au respect des règles sociales et à la juste contribution de chacun au financement de la protection sociale.

DSN et déclaration des revenus des dirigeants

Depuis 2017, la Déclaration Sociale Nominative (DSN) est devenue le mode déclaratif obligatoire pour toutes les entreprises. Cette déclaration mensuelle regroupe l'ensemble des informations nécessaires aux organismes sociaux, y compris les rémunérations versées aux dirigeants assimilés salariés.

Pour les dirigeants relevant du régime des travailleurs non-salariés, comme les gérants majoritaires de SARL, une déclaration spécifique doit être effectuée auprès de l'URSSAF des travailleurs indépendants. Cette déclaration, appelée DSI (Déclaration Sociale des Indépendants), permet de déterminer la base de calcul des cotisations sociales.

Procédure de redressement en cas d'abus de droit

L'URSSAF dispose de pouvoirs étendus pour contrôler les déclarations des entreprises et requalifier certaines sommes versées en rémunération soumise à cotisations. En cas de constatation d'un abus de droit, c'est-à-dire d'un montage juridique visant uniquement à éluder les cotisations sociales, l'URSSAF peut engager une procédure de redressement.

Cette procédure peut aboutir à un rappel de cotisations sur plusieurs années, assorti de pénalités qui peuvent être lourdes. Il est donc crucial pour les entreprises et leurs dirigeants de veiller à la régularité de leurs pratiques en matière de rémunération.

Jurisprudence sur la requalification des dividendes en salaires

La jurisprudence a établi des critères permettant de requalifier des dividendes en salaires déguisés, notamment lorsque :

  • Les dividendes sont manifestement disproportionnés par rapport aux résultats de l'entreprise
  • Leur versement est régulier et se substitue à une rémunération normale du travail
  • Leur montant est décorrélé des parts détenues dans le capital social

Cette requalification peut avoir des conséquences importantes, tant sur le plan fiscal que social, avec un risque de redressement URSSAF et d'imposition supplémentaire.

La frontière entre optimisation légale et abus de droit est parfois ténue. Il est recommandé aux dirigeants de s'entourer de conseils avisés pour structurer leur rémunération de manière sécurisée.

En définitive, la législation encadrant les revenus des associés et gérants est complexe et en constante évolution. Elle vise à concilier la liberté d'entreprendre avec la nécessité de financer le système de protection sociale et

le système de protection sociale et d'assurer une juste répartition des charges entre les différents acteurs économiques. Une bonne compréhension de ces règles est essentielle pour les dirigeants et associés afin d'optimiser leur situation tout en restant dans le cadre légal.

Pour naviguer efficacement dans cet environnement réglementaire complexe, il est recommandé aux dirigeants et associés de s'entourer de conseils juridiques et fiscaux compétents. Une veille régulière sur les évolutions législatives est également indispensable pour adapter sa stratégie de rémunération aux nouvelles dispositions.

Enfin, la transparence et le respect scrupuleux des obligations déclaratives sont les meilleures garanties pour éviter tout litige avec l'administration fiscale ou les organismes sociaux. En adoptant une approche responsable et éthique de la gestion de leurs revenus, les dirigeants et associés contribuent non seulement à la pérennité de leur entreprise, mais aussi à l'équilibre global du système économique et social.